Les eaux vives
Les premiers tintinabulements de l’église m’extradent vers les vastes plaines suspendues, vallonnées et venteuses, d’où je reçois les œillades des sommets enneigés alentour

Je m’abrite des bourrasques dans le giron d’un abri que je croise, qui me fait cadeau de petits pois millésimés 2024 pour mon déjeuner

Les 2 ivrognes préfèrent se mettre la tête à l’envers avec un millésime 2010
L’enfilade de cabanes se poursuit, du moins jusqu’à ce que de nombreux lits ravinés me barrent la route. Pas de sentier, je navigue à l’orteil mouillé et juge chaque goulet trop friable ou non, quitte à rebrousser chemin une paire de fois

Sous les réserves d’eau sommitales, semelles de vent, grain de folie et adrénaline débordante parcourent les montagnes russes de marne grise
Mwin la pa pèrd somin
Mwin la pa pèrd
Mwin la pa pèr ryin
Mwin la pa pèr
Mwin la pa pèrd amwin
Mwin la pa pèrd
Mwin la pa pèr domin
Mwin la pa pèr
Saodaj
Foli

Entre verts alpages spacieux et marnes échancrées, continue de voguer ma tête d’escroc vers la Tête de l’Estrop

Les cinglants
Mes cartes, que je parcours un peu trop rapidement, m’expédient sur d’anciens sentiers indiscernables, je me sens loup à me faufiler entre les conifères qui m’égratignent de partout et se referment derrière moi
La turbulente Bléone à mes pieds, je relis mes cartes ahuri pour constater que 2 options s’offrent à moi : franchir à gué le furibond cours d’eau en cette période de fonte des neiges, ou bien remonter dans la forêt impénétrable

Solide sur mes 4 appuis et le cœur battant la chamade, mon entêtement opte pour affronter le courant vigoureux, qui happe la moitié de mes cuisses
Sur l’autre rivage, le trop plein d’émotions me prescrit la fermeture de la boutique pour aujourd’hui

Jade et Saphir décélèrent mon rythme cardiaque en construisant un cairn zen, pendant que sèchent mes affaires aux dernières lueurs du jour

Rasséréné par la nuit, je ressors de la vallée de la Bléone en arpentant à nouveau les fragiles marnes noires

Des palanquées de mouches m’accueillent dans les hauts pâturages émeraude
Pour la pause méridienne, un vaillant mélèze solitaire me protège temporairement des dards du soleil qui m’écorchent la peau depuis mon réveil
Mon vagabondage croise des randonn·eur·euses qui me conseillent de me méfier des loups. Se faufilant dans d’épaisses forêts, évitant l’écocidaire homo sapiens, franchissant des torrents à gué, s’abreuvant de liberté, mon esprit lupin reste perplexe devant cette animosité inhumaine sans fondement
You told I had the eyes of a wolf
Search them and find the beauty of the beast
Nightwish Beauty of the Beast

Pour le prochain silence nocturne, La Blanche du Fau consent à partager son lit avec Simone et moi-même

Je lève le camp dès que le
Je me retrouve encore à naviguer sur d’anciens sentiers, où épines et orties m’asticotent les mollets entre les champs privés. L’évolution est une drôle de chose. En 30000 ans, elle a conduit une race de chasseurs-cueilleurs à multiplier les réflexes de petits propriétaires

Je passe le Col Bas, non loin du pic de Bernardez, avant que les nuages vagabonds de l’après-midi ne pestent discrètement

Les 2 artistes crayonnent pour se rafraîchir

La cabane du lac suspend mon vol hors du temps, avant ma descente vers le Lauzet-Ubaye
Le tracé des sentiers est imprécis, aussi bien sous mes pieds que sur mes cartes, épines et orties me picotent à nouveau les guiboles. Chaleur suffocante dans la vallée, la fraîche sérénade de l’Ubaye m’attire sur ses rives pour l’étreinte nocturne
Les étoiles piaillent encore alors que ma léthargie se dissipe, cela fait mes affaires avec ma longue ascension du jour
Au delà des collines
Depuis le fond des vallées
Cette chanson alpine
Qui me guide vers les sommets
Alpine Universe Chanson Alpine

Le Sause déferle dans un immense barouf, renforcé par les pleurs du ciel de la dernière nuit

Les vires stabilisées slaloment sur les flancs du ravin de la Blache

Dans la zone d’alpage, renard et marmotte fuient à mon passage

Les 2 curistes prennent le temps pour un soin à l’acide formique

Le Pic de Charance, légèrement enneigé, plonge sur le cirque de Morgon aux teintes bariolées

Ténacité et engin sur le dos, 2 vététistes s’arment de patience pour leur probable unique descente de la journée
Ma courte sieste se termine avec la rencontre de Fabien, anciennement berger, avec qui je philosophe sur la sérénité des milieux alpins

La descente en lacets borde l’impressionnant cirque de Bragousse et son hostilité minérale érodée
Mon goûter à la fontaine de l’ours se prolonge en nuitée avec les orages et averses de fin de journée
Les ondées se poursuivent une bonne partie de la matinée et me contraignent à faire de régulières pauses, les feuillus m’hébergent avec contentement

Lésine, lésine pas sur moi
Lésine pas sur l’amour comme ça
T’inquiète il en restera
Lésine pas sur l’amour
Matmatah Lésine pas
Les précipitations cessent peu avant mon arrivée à Embrun. Autour de la commune fourmille la frénésie des immortels au dos droit, méprisants la mort, qui oublient qu’un jour leur tour viendra. Je préfère passer par le centre historique juché sur son roc, plus paisible
Je me prends mon coup de chaud avec mon ravitaillement démesuré et l’interminable section goudronnée qui s’ensuit. J’abdique en milieu d’après-midi préventivement, et j’esquive ainsi que les trombes d’eaux que m’envoie à répétition le courroux du ciel

Le convoi redémarre avec l’aurore grisonnante extérieure et la fanfare intérieure
Bande de veinards, dégagez l’bazar
Et vous allez voir c’que vous allez voir
Venez applaudir, acclamer la super star !
Le Génie Aladdin

Mon cortège rencontre celui de Karine et Peio, originaires du pays basque, en plein HexaTrek
Mes globes oculaires pétillent lorsqu’iels me narrent leur aventure, de quoi largement envoyer la météo maussade aux oubliettes !

Les machaons se gorgent de rayons solaires et de pollen savoureux

Les ascalaphes souffrés drainent l’eau emmagasinée dans leur parure

Après les bouffées de chaleur de l’après-midi, je jette mon bivouac juste au-dessus de l’assourdissant gouffre de Gourfouran, et espère que mon somnanbulisme infantil daignera sommeiller toute la nuit

Les 2 géologues savourent la soirée en lustrant leurs fossiles collectés
Petit coup de mou aujourd’hui, les averses orageuses des dernières soirées et la pluie annoncée pour 2 jours y sont probablement pour quelque chose

Les lis orangés peinent à colorer l’ambiance morose
Sur ma route apathique, un cerisier ploie sous le poids de ses drupes rougeoyantes, de quoi me remplir un plein bol !

Les 2 goinfres se ruent pour exploser leur taux de dopamine

Mais jempf me laissmpf pas mpfaire cette fois-mpfi
Le ciel continue de se lamenter à verse tout le long du trajet en fond de vallée, je patiente à plusieurs reprises en regardant les arbres me faire des clins d’feuilles
Une fois à Vallouise, j’hiberne toute l’après-midi sous la pluie, et répête la même scène humide la journée entière qui suit. Je n’ose sortir que pour aller chercher becquetance

Un empathique forain offre à Saphir et Jade de délicieux tourtons pour leur remonter le moral
Détails d’étapes :
- 8 étapes
- 1 jour de repos
-
- 157 km
- +8150 m
- -8000 m
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