L’égo
À peine extrait du car, l’atmosphère de la livide saison me saisit l’échine, je démarre immédiatement mon périple pour compenser la fraîcheur ambiante

Tapi dans la savanne ardéchoise, le roi des animaux guette le passage de l’oryx à sac à dos

Dépouillées depuis l’automne, les branches s’impatientent de la venue du printemps pour arborer leurs nouveaux habits

Oh un monde fou où
L’homme compte moins que tout
Et ne doit pas penser, rêver, surtout
La consommation comme seul horizon […]
Demain je pars sur Mars
Demain je prends l’espace
Elyose De guerre lasse

Les vestiges du Machu Picchu château de Rochebonne, perchées à proximité d’une chute d’eau, dominent le val

Le soleil déclinant rapidement en cette période de l’année, je m’installe de bonne heure, à côté de la Dolce Via…

…où le présent s’écoule en douceur le long des méandres inextricables de l’Eyrieux
La symphonie naturelle rythme ma journée, aux halètement des ruisseaux…

…se rajoutent les martellements des piverts, les zinzinulements des mésanges charbonnières…

…et en point d’orgue le silence des majestueuses colonnes du rocher de Brion
Sur cette douce mélopée, l’élégance des écureuils funambules voltige dans les ramures, au gré de la bise

À l’horizon, se dévoilent le Gerbier-de-Jonc, le Suc de Sara et le Mont Mézenc, ce dernier à peine pailleté de blanc

Je tente une digression à travers champs vers le point culminant de l’Ardèche, je verrai ce que m’annonce la météo demain

Au petit matin, la peste grise s’étale au-dessus de mes épaules, valdinguée par Borée, le titan du vent du nord, elle sème une fine pluie sur les discrets chants des oiseaux

À la Borée, village homonyme du dieu du vent, fortuit mais de circonstance, je longe un cercle magique de monolithes prêts pour la Beltaine

La sentinelle météorologique semble extatique sous le plafond larmoyant

Contre mon propre gré et face aux conditions calamiteuses, mon égo souhaite monter jusqu’au Mézenc, je cède à ses caprices
Je tiens à peine debout sous les rafales, et au sommet, seule la table d’orientation m’indique que j’ai terminé mon ascension. Je redescends aussi sec et gobe mon déjeuner à l’aide des sorbets qui me servent de doigts

Au Gerbier-de-Jonc, même topo, je ne prends pas la peine cette fois-ci de grimper et me contente de faire le plein d’eau depuis la source de la Loire
À la vue d’un abri qui me servira de toit pour la nuit, mon cœur se gonfle de joie !

Trempé jusqu’aux os, j’installe tente et ficelles pour décorer le minuscule lieu de mes affaires gorgées d’eau pluviale
Durant la nuit, le vent redouble d’intensité et fait pianoter la grèle contre les murs de ma cahute. Le froid qui s’y infiltre par tous les pores me pousse à finir de monter ma tente et à m’y blottir. Des grognements, qui me font penser à ceux d’un sanglier, se rajoutent au requiem et tournoient tel un carousel autour de ce qui pourrait être la cabane habituelle du vagabond aux poils rigides, la lui aurais-je subtilisée ?
Détails d’étapes :
- 3 étapes
- Éclaircies subtiles puis vent et pluie
- 64 km
- +2200 m
- -1950 m
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