De Idrija à Ankaran

De bon matin, je me rafraîchis les idées en forêt pour pouvoir reprendre mon enquête

Ma parole, les distributeurs de gnôle pullulent autour d’Idrija !

Alors que je marche sous une chaleur écrasante, une voix au loin m’interpelle, Marta, qui m’a fait visiter la mine de mercure hier, a troqué sa tenue de guide pour une tenue plus champêtre
Entre les sessions de questions sur le métal liquide, elle s’occupe d’une ferme écologique. Aujourd’hui, elle s’attèle, en compagnie de sa cousine et d’autres personnes du village, à récupérer le foin pour l’hiver. Pour la suite de mon périple, elle me souhaite

Quelques kilomètres plus loin, je fais la connaissance de Patrik, parti découvrir les montagnes de son pays
Le slovène s’est lancé dans la traversée du vert pays à pied pour une œuvre caritative, il souhaite en effet récolter des fonds pour des enfants atteints de cancer

Le chemin tortueux, aussi bien horizontalement que verticalement, dans une semi-jungle, nous mène jusqu’au Golak
Mon nouveau pote de trek, qui a croisé Ellen et Frans lui aussi, voyage sans tente et presque sans nourriture, comme eux en somme. On continue donc jusqu’au prochain refuge qui veut bien être ouvert, celui tenu par le généreux Branko, qui nous accueille juste avant une bonne radée

Contrairement à Patrik, j’opte pour le bivak, accessible uniquement aux ferratistes. Branko me promet que demain, je me ferai réveiller par les écureuils qui cavalent sur le toit. Mon cœur puéril ne demande que ça !

Le soleil de plomb nous aplatit sur un sentier où les arbres s’éparpillent comme pour ne pas se tenir trop chaud

Y en a qui s’en font vraiment beaucoup
Ils dépriment pour un petit rien du tout
Moi je leur dis de se laisser aller
De s’en battre les ukulélés
R.wan Ukulélé
Exténué par l’étape caniculaire, je m’arrête dès qu’une forêt me propose gîte et couvert. Patrik continue sa route, il a prévu d’être hébergé par une connaissance, bien au-delà de mes forces restantes

Le lendemain, je rencontre Ana, une pèlerine des montagnes également
Son pèlerinage à travers les montagnes slovènes a démarré l’année dernière. Ça lui a servi de thérapie, suite à une rupture amoureuse. Enfant du pays de Zlatorog, elle avait déjà cotoyé la quasi-totalité des cimes slovènes avant son expédition. À quelques jours près, elle n’a pas pu le terminer et revient donc pour les épisodes manquants

Le sol s’assèche au fil des pas, ce qui n’entrave pas la floraison des panicauts améthyste

J’avais complètement occulté que je me trouvais dans le pays des ours, un panneau vient me rappeler de prendre garde

Lojze le bousier : T’es plutôt du genre indécrottable ! Enlève-toi la morve des yeux, t’y verras peut-être plus clair. En tout cas, moi j’ai pas le temps de t’aider, chacun sa merde !

Pour survivre en cette après-midi infernale, je me réfugie dans les
Dans le réfrigérateur naturel, où les clichés sont interdits, stalactites blancs, spaghettis et diverses formes tombantes du plafond, sont prêts à croiser fer avec puddings, et autres formes orangées sur le sol. Malgré la pénombre, les combattants minéraux brillent dans mes yeux
Juste avant d’aller me coucher, je croise Patrik, transformé en zombie par la chaleur de la journée

J’opte pour l’option “nuit de pleine lune” et tente de minimiser le temps de marche dans l’après-midi, moment où le soleil transforme les randonneurs en morts-vivants

In the land of twilight, under the moon
We dance for the idiots
Ring-around-the-roses, jump to the moon
We sing with the castanets
I will sing for crescent moon
Dancing with the castanets
As the end will come so soon
In the land of twilight
梶浦 由記 In the land of twilight

Peu de chance que Zlatorog traîne du côté d’une immense antenne, mais à court d’idée, je prends quand même la direction du Slavnik

Du sommet, j’aperçois poindre l’horizon, vide de montagnes, l’Adriatique leur ayant volé la vedette

Miha : Ô violoniste estival hors pair, qui apporte bonne fortune autour de toi, je suis bien à la peine dans ma recherche de Zlatorog, saurais-tu me conseiller pour la suite de mon investigation ?
Džimini le criquet : Tu ne t’en rends pas compte, mais tu as dompté les éléments pour arriver jusqu’ici. Dirige-toi vers les clapotis des flots, fais défiler dans ton cœur tout ce que tu as vécu et laisse les éléments l’envahir

Dubitatif devant les conseils du criquet, je prends quand même la direction des embruns marins alors que pousse l’aube

Figuiers, oliviers et surtout vignes s’installent pour de bon dans le décor

Arrivé au littoral, j’écoute le son des vagues lorsqu’elles s’agrippent à la terre ferme mais pas de Zlatorog en vue
Nostalgique, je repense à mes amis à 4 pattes et plus, mes amis à 2 pattes et moins, à leurs regards dubitatifs ou complices, à mes rafraîchissants compagnons feuillus, aux rires retentissants échangés, aux larmes de bonheur qui ont dévalé mes joues, aux gouttes de sueur qui ont fait fuir les mangeurs de miel, aux tiques qui m’ont prélevé mon hémoglobine, aux jurons qui ont résonné dans les forêts, aux parfums enivrants des fleurs aromatiques, aux sifflements stridents des marmottes, aux douces notes du clapotis des rivières, aux moments où la chance a protégé mes pas et surtout, à cette goutte d’éternité qu’on appelle aussi l’instant présent
Je me remémore les paroles de Džimini que je crois maintenant comprendre : l’esprit de la montagne, qu’incarne le farouche Corne d’Or, ne s’apprivoise qu’avec le cœur, à condition que le cœur se laisse apprivoiser lui aussi par l’esprit de la montagne

Détails d’étapes :
- 6 étapes
- Éclaircies
- 161 km
- +6400 m
- -6800 m
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