Les ingrédients

Je me retrouve à nouveau dans une étrange atmosphère, à longer une muraille épaisse et envoûtante sur plusieurs kilomètres, où d’immenses blocs cyclopéens verdissants résistent aux affres du temps

Lorsque je ressors de la forêt mystique, la lumière s’irrise au-dessus des vignes de sylvaner et de gewurztraminer, mes prunelles en font de même
Avec la météo humide des derniers jours, je patauge dans la gadoue autour des plantations de raisin, je n’en oublie pas pour autant de poursuivre ma collecte d’ingrédients pour l’élixir de la magicienne

Gudrun : De la frange ruisselante de meuhmouth qui n’a pas froid aux yeux

Gudrun : Du poil dru de voltigeur roux
Au château de Bernstein, je fais la connaissance de 7 bénévoles qui s’occupent de la restauration des ruines. Les compères m’invitent à déjeuner en leur compagnie à l’abri de la pluie. Les discussions avec un fort accent alsacien accompagnent le repas, même quelques phrases en alsacien se glissent dans les échanges

Leurs histoires drôles ramènent même de la clarté pour l’après-midi !

Mes déambulations m’emmènent du côté de la tour des sorcières de Châtenois, qui a servi de cachot aux individus accusés de pratiquer la magie
Je pense à toutes ces personnes exceptionnelles qui ont péri au bûcher pour des prétextes complètement absurdes
Digs ne lisantim ne licia
Ne rodatim biont utu semnanom sagitiont
Seuerim lissatim licia
Tim anandognam acolut
Utanit andognam da bocca diomine
Inside bnanom inside brictom
In eainom anuana sanander
Eluveitie
Brictom

Gudrun : Des aiguilles émeraude de mélèze imputrescible

Gudrun : De la queue de reptile furtif, prête à être remplacée

Le printemps se réveille enfin, quel régal que de fouler l’herbe sèche pieds nus et de déjeuner sous les cerisiers en fleur !
Un randonneur vient partager avec moi sa joie de gambader dans les forêts alsaciennes sous de tels auspices. Il connaît bien le coin et me suggère même de multiples possibilités pour continuer ma route

Gudrun : Du duvet soyeux de cigogne porte-bonheur
Ma cueillette d’ingrédients me prend tout de même beaucoup d’énergie, je rejoins la civilisation pour faire le plein de victuailles impies

À Ribeau c’est beau la vie !

Je petit-déjeune avec les cigognes qui profitent du terrain de sport fraîchement tondu pour cueillir becquetance

Gudrun : Du venin délicat de batracien indolent

Gudrun : Des écailles humides de triton camouflé

Gudrun : Des spores rubis de polypore vénéneux
Je tente une nuitée dans le minuscule abri Saint-Hubert, mais me fais griller de quelques minutes. Je m’installe à proximité et reviens dîner en terrasse ensoleillée avec Agathe et Tugdual, 2 adelphes scouts 1 jour, scouts toujours, qui n’ont aucun problème pour lire une carte topographique. Les adeptes des transports en commun et du trek à l’arrache m’offrent une pomme qui fait rudement plaisir à mes papilles

Les vestiges alentours remémorent les oscillations de la ligne de front de la Grande Guerre de part et d’autre de la crête
À la tourbière du Faing, mes guiboles pratiquent le trampoline sur un moelleux au chocolat pendant que mes rétines profitent du panorama sur les lacs en contrebas

Pour la nuit suivante, une plage privée m’offre une halte paisible
Alors que les abords du lac s’assombrissent, les chauve-souris se donnent en spectacle dans un ballet baroque, sous l’orchestration d’une bergeronnette grise battant le tempo de sa queue

Gudrun : Du pollen sirupeux de radieux narcisses

Pendant que les caresses des sylphes font valser et frémir les ondines du lac de l’Altenweiher, je remonte vers le chemin des crêtes, où les grondements automobiles accompagneront mes tympans toute la journée
On quitte la grille, l’aiguille des compteurs, à coups d’accélérateurs
S’hérisse et vrombissent les moteurs, d’un ronron prédateur
La Ruda Salska Indianapolis

Gudrun : De revigorants cristaux célestes assénés par rafales
Il semblerait que les matous détestent la pluie, les ronronnements des moteurs de la route des crêtes se taisent sous la neige devenue crachin

Les ruines du château de Freundstein, ouvert aux 4 vents, m’hébergent provisoirement pour une collation engloutie fissa

Gudrun : De la bave visqueuse de limace lambinante

Gudrun : De la toison satinée de chamois farouche

Gudrun : Du pigment végétal pour que le charme opère

Pupilles dilatées sur l’horizon, je sens l’œil de la sorcière guetter à distance ma récolte d’ingrédients
Détails d’étapes :
- 7 étapes
- Bruine, belles éclaircies, soleil, neige
- 162 km
- +5550 m
- -6200 m
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